Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Une pièce captivante !
Un homme a été poignardé dans une banlieue sordide de New York, son fils de 18 ans arrêté́, emprisonné est accusé de parricide. Les plaidoiries sont terminées, les témoins ont été entendus, les jurés doivent se consulter, voter et rendre leur verdict : Coupable ou non coupable ?
Le procureur s’adresse aux jurés populaires avant qu’ils se réunissent en huit clos dans une salle du tribunal et leur rappelle au préalable la règle du jeu. « Si vous déclarez le prévenu coupable à l’unanimité́, ce dernier sera condamné à la chaise électrique. Si vous n’arrivez à aucun accord, le doute demeurera et le prévenu sera acquitté. 80 minutes durant lesquelles, ces 12 hommes ont la vie d’un autre homme entre leurs mains.
« 12 Angry Men », écrit par le dramaturge Reginald Rose a été réalisé́ au cinéma dans les années 50 par Sidney Lumet, qualifié de Maître du polar juridique. Les plus hautes distinctions du cinéma aussi bien aux US, qu’en Europe lui furent décernées. Henry Fonda tenait alors le rôle du fameux juré n° 8, architecte dans le civil.
Le rôle est repris au théâtre Hébertot par Xavier de Guillebon qui a en outre étudié́ l’art dramatique à New York. Ce courageux juré n°8 est un homme posé, il n’est pas convaincu de la culpabilité́ de cet adolescent. En proie aux doutes, il préfère voter Non Coupable dès le 1er tour de vote fait à main levée.
« 12 Hommes en colère a été joué à plusieurs reprises sur les planches ces dernières années. Le Théâtre Hébertot, du fait de son succès présente à nouveau l’adaptation de Francis Lombrail, avec un public toujours aussi nombreux et toujours aussi enthousiaste. Dirigeant ce même théâtre, Francis Lombrail est à l’origine de l’adaptation qui demeure en outre très fidèle au film de Lumet. Il tient également avec brio le rôle du juré n°3, personnage haut en couleur, style grande gueule joué initialement par Lee J Cobb, excellent acteur américain. Ce juré portant le numéro 3 est dans le civil patron d’une société́ de livraison, mais surtout, un homme violent, irascible, raciste, fâché́ depuis des années avec son fils après une terrible altercation. Il est l’antithèse du juré N°8. Ce sera le dernier juré à convaincre, l’irréductible. Seul, blessé tel un taureau dans l’arène, prêt à mourir plutôt que de renoncer.
Dans un ultime sursaut, il est touché en plein cœur, et baisse enfin la garde et accepte de reconnaitre la non culpabilité́ du prévenu.
Psychodrame à caractère sociologique, mis en scène par Charles Torjmann qui a eu le génie de réunir sur scène, 12 comédiens absolument remarquables, ces derniers représentent à merveille la palette assez conforme de l’espèce humaine.
A noter l’impression très forte saisissant le public, lorsque le rideau se lève et l’apparition de ces 12 hommes en costume cravate, tel un arrêt sur image.
Une mise en scène très sobre : La salle de délibération ressemble à un véritable bunker, seule une horloge est accrochée au mur et un vitrage en hauteur qui semble hermétiquement fermé. Tout est réuni pour donner une impression d’étouffement.
Ces 12 jurés ont été choisis en fonction de leur diversité́ : Patron de Sté, chômeur, peintre en bâtiment, VRP, architecte, horloger, banquier…
Classes sociales, éducation, niveau intellectuel, âge… Un mélange parfaitement hétérogène, constituant par excellence un jury populaire !
Bloqués dans cette salle du tribunal pour délibérer, l’orage menace à l’extérieur, la température ambiante contribue à échauffer les esprits. Fatigués par les plaidoiries, le président des jurés a bien l’intention d’en terminer au plus vite, car finalement, tout a été dit au tribunal. Les témoins ont été formels, même l’avocat du prévenu ne semblait pas convaincu de l’innocence de son client, il est vrai qu’il a été commis d’office.
Bref, l’affaire est d’une telle simplicité́, elle sera donc vite réglée et chacun pourra rentrer chez soi, après avoir accompli son devoir de juré.
Ce vote semble une simple formalité́ !
Une vision de l’âme humaine.
Mais après un premier vote à main levée, le juré N°8 a des doutes et en son âme et conscience, il ne peut voter « coupable » et envoyer ce gamin sur la chaise électrique. Il est seul à prendre en compte l’énorme charge de responsabilité́ qui pèse sur ses épaules.
Il a le courage d’affronter les autres membres en démontrant point par point les failles de ce procès bâclé́ et d’une manière parfaitement calme ; en se montrant raisonnable et modeste aussi, il va agacer davantage les nerveux, assez nombreux parmi ces jurés.
Non, il ne détient pas la vérité́ et peut être que ce gosse est vraiment coupable, mais voilà̀ il n’en n’est pas parfaitement sûr. Avant d’arriver à faire tomber toutes les certitudes des autres jurés, il va devoir demander de voter à nouveau mais à bulletin secret et à mesure que d’autres voix se rallient à ses propres doutes, ces hommes prisonniers dans cette salle exigüe vont s’insulter, s’affronter physiquement, perdant ainsi tout sang-froid.
Le tonnerre gronde à l’extérieur, l’orage va éclater, il fait de plus en plus chaud, ces hommes excédés transpirent, ils sont enfermés dans une sorte de cocotte-minute. Leurs préjugés tombent, leurs certitudes s’évanouissent.
Non la pauvreté́ n’est pas le signe systématique de la criminalité́. Non les témoins sont des hommes et des femmes avec leur fragilitéś et leurs limites et peuvent ainsi se tromper.
Ces 12 hommes ont entre leurs mains le destin d’un adolescent délinquant certes, issu d’une famille défavorisée, avec un père violent. Cet ado a peut-être ou pas, poignardé son père. Ce jeune n’a jamais été entouré et aimé, est -il pour autant un assassin ?
« 12 Hommes en colère » demeure indéniablement un classique.
Les générations passent, mais l’humanité́ ne change pas vraiment. La manipulation demeure, les préjugés aussi, heureusement que parfois nous rencontrons sur notre chemin de vie, un Homme, un juré N° 8 qui nous fait douter, et nous permet de remettre en cause nos théories trop bien établies.
Bravo à ces 12 comédiens exceptionnels et très longue vie à cette pièce absolument captivante .