Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Un grand classique éblouissant
Parce que William Shakespeare était un précurseur à son époque, choquant la plupart du temps ses contemporains, il aurait à coup sûr, apprécié́ l’adaptation et la mise en scène de Frédérique Lazarini.
Écrite dans les premières années de sa carrière littéraire et théâtrale aux environs de 1594, et publiée après sa mort, cette comédie est en quelque sorte une œuvre de jeunesse pour cet illustre dramaturge.
Maintes fois adaptée pour le théâtre, cette dernière mise en scène réalisée par Frédérique Lazarini apporte un ton nouveau en imbriquant le cinéma italien des années 1950 et la commedia dell’arte. Grâce à la complicité́ et au talent de Bernard Malaterre, nous pouvons suivre un film en noir et blanc en fond de scène où évolue une famille aristocratique de Padoue, au temps où Gina Lollobrigida et Vittorio de Sica entaient au zénith de leur carrière.
Ambiance italienne assurée ! Sans oublier les tubes de l’époque !
Baptista, père désespèré de ne pouvoir marier sa fille cadette : Bianca, douce et soumise tant que son ainée « La bella Catarina », revêche, colérique ne trouve pas chaussure à son pied !
Rejetant systématiquement tous les partis, Baptista interprété́ par Bernard Malaterre ne souhaite qu’une seule chose marier ses filles et être enfin tranquille !
Shakespeare a eu le génie d’imbriquer deux pièces en une, ce qui troublait déjà̀ à l’époque, les lecteurs puis ensuite les spectateurs.
Frédérique Lazarini respecte l’histoire dans l’histoire en donnant à cette comédie un caractère encore plus enjoué grâce au film cinématographique par intermittence où l’on retrouve les mêmes comédiens sur scène.
Cette Catarina des années 50 avec un pied dans le 17ème siècle, demeure toujours une femme au caractère impossible : acariâtre, hautaine et pourtant tellement séduisante.
Alix Benezech interprète avec talent la belle Mégère. Elle a joué́ dans « Les Rivaux » de Richard Brinsley Sheridan adaptée également par Frédérique Lazarini.
Remarquée aux US, dans « Mission impossible fall out ». Cédric Colas, excellent comédien interprète le rôle de Petruchio. Son souhait : épouser une femme dotée et tant pis si elle est insupportable !
Le jeu en vaut la chandelle ! Petruchio n’est pas homme à plier devant une femme et s’il faut la dompter, il est l’homme de la situation !
Pendant ce temps la cadette Bianca, tellement charmante et douce tourne la tète de tous les jeunes gens et en particulier celle de Lucentio brûlant littéralement d’amour.
Si les premières approches sont vives entre Catarina, véritable furie incarnée ! Sa violence autant verbale que physique n’effraient en rien Petruchio, persuadé d’en venir à bout.
Le jeu théâtral de ces 2 comédiens est absolument remarquable.
Insupportable avant ce mariage forcé, elle deviendra sous la contrainte et les mauvais traitements de Petruchio la privant de nourriture, de sommeil, de marches à pied inhumaines… Une femme soumise, aux ordres de son mari, douce, aimante enfin tout ce dont peut rêver un mari macho.
Bien évidemment, ce retour de situation parait limite grotesque mais voulu par Shakespeare, la metteuse en scène a su exploiter à l’extrême le caractère comique, bouffon de l’épilogue. Une fin de roman désespérant systématiquement la gente féminine, même les moins féministes !
Il est vrai que Shakespeare a voulu donner une fin répondant sans doute aux mœurs du 17ème siècle et peut être par convenances personnelles.
Cette « Mégère apprivoisée » revue par Frédérique Lazarini redonne un souffle nouveau à cette comédie où l’on rit vraiment beaucoup par le jeu des comédiens et par la mise en scène qui décoiffe quelque fois.
Jouée actuellement à l’Artistic Théâtre, il faut aller applaudir cette équipe de comédiens qui nous font revivre la célèbre comédie de Shakespeare avec une atmosphère « made in Italy » des années 50.