Distribution :
Juliette Chillet, François Copin, Célian d’Auvigny, Dimitri Repérant, Thomas Resendes
A l’affiche :
Jusqu’au 3 mai 2017
Lieu :
La Comédie Saint Michel
95, boulevard Saint Michel
75005 PARIS
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Par Ingmar Bergmann pour Carré Or TV
Feydeau dépoussiéré
par des jeunes comédiens
La tenue d’Ève ou le début du féminisme.
Vous étouffez de vivre dans des conventions sociales dont la signification et la pertinence vous échappent, un peu plus, chaque jour ?
Rendez-vous au théâtre, car les dialogues et le propos de Georges Feydeau, malgré l’étiquette « Belle-Époque » au-dessous de laquelle on se plaît toujours à cantonner cet auteur, nous en disent long sur les us et les coutumes qui nous entravent et nous empêchent de vivre selon notre bon sens et notre intuition car, s’il ne se méfie pas, la culture endort l’instinct de l’être humain.
Évidemment, l’inconvenance de se promener en chemise-de-nuit, quand on est une femme, au tournant des dix-neuf et vingtième siècles, pendant la dictature du corset, nous paraît, aujourd’hui, bien désuète ; d’ailleurs, qui porte encore des chemises-de-nuit ?
En effet, si à l’époque de l’écriture de la pièce, il est encore trop tôt pour évoquer la philosophie du « Freikörperkultur » germanique, alors en cours d’élaboration, il est indéniable qu’à notre époque, le goût pour le naturisme et la liberté de mœurs que les Occidentaux affichent fièrement, nous ont conduits à remiser bien des audaces d’antan dans le musée des pratiques démodées.
Parfait, drôle et rythmé
Pourtant, la tendance réactionnaire d’une partie de notre société actuelle, qui se targue de modernité tout en nous abreuvant de remontrances moralisantes, et parfaitement démoralisantes, à l’endroit, notamment, de notre vie privée, parlant de décadence et de perversion pour décrire tout ce qui est différent de la norme, hiérarchisant, entre eux, les différents modèles et excluant ceux qu’elle érige en contre-modèles ou : repoussoirs, fort utiles à sa cause, aboutit, peu ou prou, à enfermer les gens dans des règles qui confinent, parfois, à l’absurdité.
C’est ainsi qu’on finit par oublier que ce qui profite au groupe, poussé jusqu’à l’extrême, est souvent très néfaste à l’individu, pour peu qu’il ne soit pas au cœur de la norme commune.
La question que l’on se pose, est de savoir à partir de quand le prix qu’on paye individuellement, devient trop cher pour être encore acceptable ou, formulé autrement : à partir de quel moment l’ordre social risque-t-il de basculer si les sacrifices individuels qu’il exige, pour sa pérennité, ont cessé de paraître légitimes ?
Au-delà de l’anecdote, la pièce « Mais n’te promène donc pas toute nue », de Georges Feydeau, créée à Paris en 1911, au Théâtre Femina, peu après la Loi de de séparation des Églises et de l’État (1905) et peu après la fin de l’affaire Dreyfus, qui ont représenté une longue période de division, d’intolérance et de déchaînement des passions essentialistes, pose donc de très nombreuses questions, au spectateur d’alors comme à celui d’aujourd’hui, qu’on ne formulera pas toutes, mais seulement les premières qui nous viennent à l’esprit : qu’est-ce qui est décent ou indécent ? L’homme est-il le seul fondé à définir ce qui est indécent ? Les critères de l’indécence, réelle ou supposée, qu’on prête à la femme, doivent-ils être plus contraignants que ceux de l’indécence qu’on prête à l’homme ? Une femme est-elle seulement une mère ? Une mère n’est-elle pas une femme aussi ? Pourquoi une femme que l’on donne comme épouse à un homme, devrait accepter que l’on puise disposer d’elle ? Le lien qui unit le parent à son enfant prime-t-il sur le lien qui unit les époux ? La notion de « chef de famille » est-elle légitime ? La politique doit-elle se résumer aux manigances politiciennes ? Le développement et la prospérité doivent-ils dépendre de l’opportunisme et de l’amitié feinte, entre eux, par les édiles qui nous gouvernent ? La docilité dans le conformisme est-elle la seule et la meilleure manière de se reconnaître dans une confession religieuse ?
Vos zygomatiques en délires !
Autant de questions que Georges Feydeau ne développe pas beaucoup dans sa pièce, que l’on peut, pourtant, s’amuser à deviner, entre les lignes, et qu’on penserait être l’apanage du passé ; mais : en est-on bien certain ?
Dans cette production de « Mais n’te promène donc pas toute nue », de Georges Feydeau, précédée par la courte pièce « Amour et piano », en guise d’introduction, toutes deux mises en scène par Laura Aubert, qui a choisi de lier avec légèreté les deux intrigues, comme si l’une était le prolongement de l’autre, la modestie des moyens est très largement compensée par l’équipe des comédiens, intègre et enjouée, qui ne manque pas de communiquer son enthousiasme au Public, lequel ne boude pas son plaisir.
François Copin est le député prétendument progressiste « Julien Ventroux », collègue de Paul Deschanel et de Georges Clémenceau, car la pièce est ancrée dans les réalités du temps de son écriture. Juliette Chillet est son épouse, une « Clarisse Ventroux » pleine d’ingénuité, d’un bon sens désarmant et féministe sans le savoir, à l’époque où les mouvements féministes, en France, ne sont encore qu’épisodiques et sans réelle influence, au contraire de celui des Suffragettes, dans les pays anglo-saxons. L’activiste Madeleine Pelletier n’écrit-elle pas, en 1906, « Le parti socialiste a le vote des femmes dans son programme mais n’en parle jamais, il n’y pense pas davantage » ?
Pourtant, dans la famille du « député Julien Ventroux », et malgré le positionnement politique avant-gardiste affiché par ce dernier, le conformisme est de mise. Célian d’Auvigny est « Hochepaix », le maire de la commune provinciale, et totalement dérisoire, de Moussillon-les-Indrets, un personnage parfaitement décalé et parfaitement inquiétant. Dimitri Repérant est un attachant et surprenant « Victor », le valet plein de ressources et parfaitement désopilant. Thomas Resendes est « Romain de Jaival », journaliste au Figaro, à la recherche du bon sujet pour écrire l’article qui doit propulser sa carrière, et qui ne se fait pas prier pour tirer avantage de toute situation, même quand il s’agit de la plus improbable.
On aimerait que la cohérence de cette troupe perdure encore sur de nombreux autres projets de théâtre, des plus légers aux plus sérieux. On retrouve régulièrement une partie de ces jeunes interprètes au Festival « Tous Au Théâtre », qui se déroule en Région Centre, ou sur différents projets à venir, dont un « Hamlet » de William Shakespeare ; ou, encore, sur « Les ennemis publics », une création contemporaine de Thomas Resendes, abordant le sujet du terrorisme rouge, en Allemagne de l’Ouest, en cours d’écriture et déjà en lice pour le prochain Prix du Théâtre Treize (direction Colette Nucci) qui soutient le travail des jeunes metteurs-en-scène.
Avec ou sans vêtements, peu importe : venez avec votre famille et vos amis ; ceux qui souhaitent se distraire, ne seront pas déçus. Quant à ceux qui souhaitent nourrir leur réflexion sur l’évolution du monde qui nous entoure, ils pourront le faire dans une atmosphère de légèreté largement bénéfique.
Sur un rythme endiablé, cette sympathique petite troupe nous livre un bon moment d’hilarité. Bravo pour cette diction et cette fraîcheur.
Parfait ! très drôle, très rythmé, une super soirée
Une petite troupe, tres vive, petillante qui ‘revisite’ avec bonheur 2 petits classiques. Les acteurs se donnent a fond, les effets sont surjoues par moment et l’on passe une tres, tres bonne soiree. A recommander d’urgence aux depressifs de tous poils.