Artistes :
Jonathan Louis, Vincent Vilain, François Guliana Graffe, Lionel Rousselot et Charlie Dumortier
A l’affiche :
Jusqu’au 26 mars 2018
Lieu :
Théâtre Clavel
3, rue Clavel
75019 PARIS
Par Ingmar Bergmann pour Carré Or TV
Plusieurs solitudes à plusieurs
Cinq garçons qui aiment les garçons, ont rendez-vous pour explorer les domaines d’Éros avec le renfort de substances illicites.
Si vous l’ignorez, nous vous l’apprenons : le sexe à plusieurs, et combiné à l’usage de stupéfiants, est très commun dans certains milieux.
Pour de nombreux individus, dont vous connaissez assurément certains même si vous l’ignorez, il n’est pas rare de passer plusieurs nuits d’affilée sans dormir ni manger, afin de repousser les limites de leur corps, car ils sont avides de sensations inédites ou, du moins : de sensations nouvelles, pour eux, voire, pour certains d’entre eux qui ne sont pas dépourvus d’idéalisme : d’émotions dont l’existence leur était, jusqu’alors, inconnue.
On se retrouve à plusieurs dans un appartement dont les murs en ont déjà vu de belles et, la plupart du temps, les rituels sont nombreux : rituel de la dissimulation de l’impatience, rituel de la désinvolture affichée, rituel de l’ambiance tamisée, rituel de l’espace imparti au plaisir qui est parfaitement balisé, rituel de l’amour à plus que deux, rituel des stupéfiants et de leurs prises scrupuleusement mesurées, espacées et contrôlées autant que faire se peut, sans jamais les associer avec de l’alcool car cela pourrait être mortel, rituel du costume exubérant et provoquant dans lequel on se dévoile à des regards que plus rien ne semble pouvoir effaroucher, rituel de l’exposition du matériel, accessoires et autres objets en plastique aux proportions de plus en plus audacieuses à introduire ou se faire introduire, rituel des pratiques érotiques à proprement parler, rituel de la parole car ce n’est pas tout de se complaire dans des positions indécentes : le discours est très présent, du moins : dans ce spectacle.
Est-ce que l’on parle autant que l’on s’adonne au plaisir, dans ces circonstances-là ?
C’est difficile à dire car, même si le parti-pris de la mise-en-scène est d’offrir un semblant de réalisme, qui pourrait parfois être plus convaincant, le principe essentiel du théâtre-même, qui place le verbe au commencement de tout, pourra paraître paradoxal à ceux d’entre les spectateurs pour qui le plaisir des sens induit d’abord le fait d’être mutique.
Néanmoins, si l’on admet que les moments d’une grande intensité érotique favorisent les moments de pause, ensuite, qui sont consacrés à se reposer et à se rasséréner pendant qu’on fraternise, par contraste et afin d’alterner avec les précédents, alors on conviendra aussi que les interruptions en question sont parfaitement propices au dialogue et au discours sur des thèmes ayant trait à Éros, chacun étant libre d’évoquer sa propre expérience afin de poursuivre le partage d’une manière différente : réflexive, quoique tout autant exhibitionniste.
Ne dit-on pas qu’une grande partie du plaisir érotique vient non pas du sexe, à proprement parler, mais du fait d’en parler ensuite ?
Après avoir livré de très larges fragments de leur corps au zèle malicieux de la fantaisie de leurs amis, il convient alors à ces garçons de livrer aussi de très larges fragments de leur âme ou de leur esprit : et la parole se libère, aidée, en cela, par les effets des substances illicites, la fatigue du moment et le principe d’être comme « coupés du monde extérieur », car ces soirées particulières ont leur propre rythme et le soleil peut se coucher et se lever plusieurs fois sans que personne ne s’en rende compte, derrière des rideaux tirés.
L’esthétique réaliste de cette production est discutable, on l’a dit, car on imagine mal qu’il soit possible de « baiser » consciencieusement et de discourir tout aussi consciencieusement dans le même moment ; si la combinaison des deux activités nous paraît possible, parfaitement envisageable et, même : souhaitable, on se laissera à penser qu’une scénographie différente aurait permis de signifier plus clairement deux lieux complémentaires permettant des allers-et-retours de l’un à l’autre, l’un étant la zone consacrée au plaisir des sens et l’autre étant la zone consacrée au plaisir de l’esprit, dans laquelle la parole peut enfin se libérer car : l’un des grands intérêts du texte « Five guys chillin’ » du britannique Peter Darney et de la mise-en-scène de Christophe Garro, actuellement à l’affiche du Théâtre Clavel (direction Sébastien Pimont), est de révéler au Public que, derrière l’envie d’expériences extrêmes, se cache presque toujours une envie extrême de s’exprimer.
Nous nous réjouissons du fait que, parmi les nombreux cadeaux que nous offre la vie, certaines expériences nous transportent au-delà des nuages ; mais, au réveil de semblables moments à l’intensité inouïe, le silence retombe comme une chape et, malgré le nombre des rencontres effectuées durant de semblables nuits blanches, il n’est pas rare que chacun se sente, de nouveau, encore plus seul qu’auparavant.
Comment cela se peut-il expliquer ?
Il y a là un sujet passionnant pour tous les sociologues.
On l’aura compris : on ne se rendra donc pas à ce spectacle en famille ; mais on s’y rendra tout de même, entre personnes « majeures et consentantes », afin de s’interroger sur l’un des très nombreux paradoxes de notre société, qui est parfois aussi généreuse envers nous qu’elle est prompte à nous déconcerter, ensuite…
Une pièce dont le thème, le chem sex, n’est pas facile à aborder et où cela aurait pu vite tourner au pathos ou au sordide. Tout est juste, décapant, et les acteurs s’en tirent au mieux : le jeu est efficace, la mise en scène est haletante, le décor parfait. Pour un public très très averti…
Un moment d’une rare sincérité et fonctionnant sur tous les indicateurs : les acteurs se livrent à 100% de leur énergie, et leur jeu est juste et sincère. la mise en scène est très bien et les effets lumières et sonores correspondent parfaitement. Il se passe tellement de choses sur scène qu’il vous faudr revenir pour en apprécier toute la saveur. A aller voir sans hésitation !
Plongez dans l’univers des Chems Party. Fort pouvoir éducatif pour tout les curieux. J’ai adoré cette pièce qui est la pure réalité de ce que je connais. Un grand bravo aux acteurs pour leur prestation osée. Spectacle cru mais pas vulgaire.