Fragments de Femmes au Théâtre de la Jonquière

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Artiste : 

Marion Christmann, Solène Gentric, Cécile Théodore

A l’affiche :

Du 27 au 30 septembre 2017

Lieu :

Théâtre de la Jonquière

88, rue de la Jonquière

75017 PARIS

Réservation en ligne
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Par Ingmar Bergmann Carré Or TV

Réveille-toi, le Monde !

 

 » Fragments de femmes » de Fabien Le Mouël, sera bientôt créé à Paris dans la mise-en-scène de François Rimbau. Nous les avons rencontrés tous les deux, ce qui nous a donné l’occasion de faire le double portrait d’un très harmonieux duo artistique, qu’on espère à l’aube d’une collaboration longue et fructueuse…

Travail en cours

 

Trois femmes sont au Plateau et, dans leurs trois corps aux physiques distinctifs, elles ne cessent de tourner, encore et toujours, sur elles-mêmes et en rond, les unes autour des autres, comme le ballet des planètes. La priorité est donnée à la parole, et leurs trois voix sont entremêlées les unes aux autres, évoquant la cohue de nos sociétés contemporaines, l’amour de l’amour comme accomplissement suprême, le désir d’être étreinte, l’envie d’un garçon caressant, le fantasme des uns, la fantaisie des autres, l’irrésistible attente du prince charmant, le rêve d’être épousée comme une princesse, la routine qui peut souvent s’ensuivre, la rupture inexorable, la solitude qui nous assaille après la rupture, les montagnes russes de l’amour à deux qu’on appelle « le couple », la douleur provoquée par le fait de voir l’amour que l’être aimé porte à un autre être que soi ensuite, la mère envahissante, les amitiés féminines, les sorties entre amies et le pathétique de la drague dans les bars, les soirées d’anniversaire qui tombent mal, le flirt incessant de l’amour et de la mort, la maladie, le VIH, les valeurs républicaines, l’idylle qu’on attend tous, les cauchemars qui nous assaillent la nuit, la générosité bien ou mal venue, les fleurs que l’on nous offre à bon ou à mauvais escient, parfois pour nous manipuler, le luxe auquel on est nombreux à aspirer mais qui ne transforme jamais nos vies en existences accomplies, le retour du guerrier qui n’est pas toujours à la hauteur de nos espoirs, la complicité, réelle ou supposée, du voisinage, le combat de l’amour exclusif contre la polygamie, la théorie des contraires qui s’attirent, les dictons avec lesquels on se rassure car « qui se ressemble, s’assemble », l’avancée inéluctable du temps qui n’oublie jamais personne, et des questions, multiples et que chacun s’est probablement posées au moins une fois, par exemple : pourquoi, parfois, sommes-nous si transparents aux yeux de ceux qui comptent pour nous ?

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Lorsque ces trois femmes paraissent rapprochées dans le reproche, on se demande : à qui en veulent-elles ? À un homme ? C’est ce à quoi l’on pense effectivement d’abord car l’homme est un monde. Pourtant, Fabien Le Mouël, auteur de cette pièce, ne nous parle pas de trois femmes, amoureuses, déçues et négligées par les hommes ; mais de trois êtres humains qui veulent que le monde se reprenne, se ressaisisse et se ré-enchante, enfin.

Distribution

 

Pendant l’expérience « Tombée du ciel », l’actrice Solène Gentric est la première à s’enthousiasmer pour le texte ; et le metteur-en-scène François Rimbau, qui souhaitait continuer de travailler avec elle, a alors constitué toute la distribution autour de la jeune femme, invitant les comédiennes Cécile Théodore puis Marion Christmann à rejoindre l’aventure. Le texte initialement écrit par Fabien Le Mouël se présentait dans un tout autre ordre que celui que le Spectateur appréhendera. Il s’agira de vingt-cinq monologues ou « fragments », qui seront dits par les trois jeunes femmes, et le montage actuel a volontairement été élaboré en rebondissant sur les affinités exprimées par chaque comédienne avec les passages du texte qui la touchaient particulièrement.

Image de répétitions
Image de répétitions

Esthétique

 

La sobriété est de rigueur et les décors sont parfaitement dénudés, car la motivation première de la mise-en-scène est de mettre en avant les émotions des interprètes ; aussi, le Spectateur sera amené à se concentrer principalement sur le jeu des trois jeunes femmes. Les accessoires sont presque inexistants, et les tenues sont noires du début à la fin ; les chaussures des interprètes sont les seuls éléments de couleur et de fantaisie qui évolueront au gré du spectacle, évoquant métaphoriquement la difficulté de « trouver une chaussure à son pied ». La mise-en-scène de François Rimbau traduit notamment sa volonté de ne pas offrir au Public un enchaînement abstrait de monologues, du même type que celui qui constitue la trame formelle de la pièce « Les monologues du vagin » d’Eve Ensler, créée à Broadway, en 1996, avec laquelle « Fragments de femmes » a en commun de faire entendre des voix de femmes. Dans la mise-en-scène de François Rimbau, transparaît effectivement la volonté de lier sans forcément expliciter le lien, afin de laisser le plus large imaginaire possible au Spectateur. L’enchaînement des tableaux successifs peut évoquer la tradition de la « comédie musicale », forme théâtrale à laquelle François Rimbau était très attaché et, par ailleurs, on peut tout-à-fait imaginer qu’il y ait comme d’autres personnages, autour de ceux qui ont effectivement la parole et qui sont incarnés sous nos yeux, puisque certaines comédiennes sont, parfois, comme « en figuration » auprès de leurs collègues ; autant de personnages de l’ombre, comme celles et ceux qui environnent nos existences, mais que nous connaissons mal…

Corps et métaphores

 

La musique, essentielle pour François Rimbau, sera très présente dans cette production. Par exemple, le thème « Little Bird », en permettant d’exprimer, métaphoriquement, le fait de retrouver l’usage de ses membres et sa mobilité, et de s’évader de son corps actuel en dansant, sera le prétexte à une chorégraphie saccadée conduisant, vers la fluidité, la jeune femme qui commence, peu à peu, à retrouver un usage imaginaire de son corps.

À l’origine de cette distribution cohérente et prometteuse, un duo extrêmement complémentaire qui réunit un auteur et un metteur-en-scène travaillant en étroite collaboration.

Parcours

 

Comme nombre de ses collègues, Fabien Le Mouël a commencé le théâtre en prenant des cours en amateur, avant de fréquenter, pendant deux ans et demie, le Studio Pygmalion, à Paris, qui propose des ateliers réguliers d’entraînement et de formation pour comédiens professionnels ou en voie de professionnalisation.

Jusqu’à présent, son expérience de la Scène, est essentiellement celle d’un acteur. Il a notamment incarné des rôles dans « Seul mon amour est éternel » de Régis Herbuveaux, dans « Tombées du ciel » de Jérôme Sanchez ou, encore, dans « Cold water » de Christophe Garro, trois pièces que l’on a pu voir au Théâtre Clavel (direction Pascal Martinet) à la saison dernière.

Événements décisifs

 

De son côté, après une longue interruption, le metteur-en-scène François Rimbau, revenu au théâtre en tant que comédien depuis plus de dix ans, est arrivé à la mise-en-scène par hasard, d’abord afin de porter à la scène les pièces qu’il a lui-même écrites et dans lesquelles, le plus souvent, il joue, telles que : « On vous rappellera » ou, encore, « À plein régime » ; mais, l’expérience venant, il ne dédaigne pas de mettre aussi en scène les textes d’autres auteurs, tels que : « Requiem pour une garce » de David Sauvage ou, encore, « Tombées du ciel » de Jérôme Sanchez, l’expérience qui fut l’occasion de la rencontre avec Fabien Le Mouël.

« Fragments de femmes » de Fabien Le Mouël, dont les répétitions sont bientôt achevées, sera sa sixième mise-en-scène, et sa troisième collaboration avec Fabien Le Mouël ; mais certainement pas la dernière puisque, quand on lui demande quels sont les événements décisifs qui l’ont conduit au théâtre : outre le fait d’avoir été impressionné par la prestation scénique d’une amie, lorsqu’il avait dix-huit ans et d’avoir été à l’école avec Mélanie Thierry, Fabien Le Mouël répond, sans hésiter : le fait d’avoir rencontré François Rimbau.

Auteur
Auteur

Devenir auteur

 

Pour Fabien Le Mouël, un acteur devient un auteur de théâtre quand il a envie d’entendre des choses qu’il n’entend pas dans le théâtre des autres, et qu’il se met alors à les écrire lui-même. On devient auteur de théâtre, quand on est nourri par l’envie de partager des expériences de vie, propres à chacun mais qui peuvent être communes à tous, car il est persuadé que les sentiments et l’amour sont universels, ce qui complète assez bien la théorie de François Rimbau, pour qui on est auteur de théâtre à partir du moment où, sur la Scène et dans les spectacles des autres, il y a des choses que l’on ne voit pas ni n’entend, quand la façon dont les autres abordent certaines questions, ne nous parle pas ou, de manière plus prosaïque : quand on ne vous propose pas de projets ni de rôles, que l’on commence alors à écrire des rôles pour soi-même, si bien qu’on est seul maître à bord et qu’il devient enfin possible de se libérer des stéréotypes dans lesquels on vous enfermait lorsqu’on vous distribuait jusqu’alors.

Influences

 

Ce n’est pas son expérience de la Scène en tant qu’acteur qui influence l’écriture dramatique de Fabien Le Mouël ; mais ce sont plutôt ses lectures, qui incluent notamment les textes de Josiane Balasko, de Carole Thibault, de Marc Lévi, de Guillaume Musso, d’Anna Gavalda, de Catherine Pancol, de Zazie, quand elle chante : « J’envoie valser » ou, encore, le théâtre de Xavier Durringer et, aussi, le fait d’entendre quelqu’un parler d’un sujet en particulier qui le touche, souvent de manière autobiographique ou relative à son entourage. Les discussions avec ses proches, les expériences de sa vie, ses histoires amoureuses nourrissent aussi son inventivité d’auteur. L’amour est son thème de prédilection favori, et sous toutes ses formes : l’amour de nos proches, de notre mère, de nos enfants ou, encore, de nos amis. En attendant d’écrire, peut-être, un jour, autre-chose que des comédies pour le théâtre, « Fragments de femmes » est son projet le plus personnel.

Les personnalités de théâtre qui inspirent Fabien Le Mouël sont notamment les actrices Mélanie Thierry dans « Baby Doll » de Tennessee Williams et dans « Anna Christie » d’Eugène O’Neill, Isabelle Adjani dans « Kinship » de Carey Perloff, Juliette Binoche dans « Antigone » de Sophocle, Hélène Degy dans « La peur » de Stefan Zweig, ainsi que les trois comédiennes de sa pièce en gestation. Comme on le constatera, le féminin est aussi un thème de prédilection et d’inspiration privilégié, pour ce jeune auteur, qui considère que l’envie d’écrire pour les autres n’interfère pas dans son envie de jouer, et qu’il ne cessera pas d’être un acteur, ni ne pense que sa façon de jouer sera ultérieurement influencée par le fait d’être un auteur.

De son côté, le metteur-en-scène François Rimbau poursuit aussi son cheminement théâtral en marchant derrière de très illustres figures, comme celles de Diana Rigg dans la comédie musicale « Follies » de James Goldman et Stephen Sondheim, dans la « Medée » d’Euripide ou, encore, dans « Qui a peur de Virginia Woolf ? » d’Edward Albee (avec l’acteur David Suchet), Kenneth Branagh, dans « Hamlet » de William Shakespeare, Maggie Smith dans « Lettice and lovage » de Peter Shaffer, Judi Dench dans « Peter and Alice » de John Logan et dans « Hay Fever » de Noel Coward, Caroline Sihol dans « Parle-moi d’amour » de Philippe Claudel ou, encore, Isabelle Huppert dans « Carnage » de Yasmina Reza. Tout un panthéon essentiellement anglo-saxon et principalement féminin, ce qui explique les affinités avec l’auteur et leur envie commune de porter à la Scène toutes les figures féminines qui composent « Fragments de femmes ».

Passionné par les auteurs de comédies anglo-saxonnes, tels que Niel Simon, Edward Albee, Peter Shaffer ou, encore, David Mamet et, aussi, par les auteurs de théâtre scandinave, tels que Henrik Ibsen ou Lars Noren, le metteur-en-scène François Rimbau considère que la mise-en-scène et le jeu sont deux métiers complètement différents, deux disciplines beaucoup plus cloisonnées que ce que l’on pense d’emblée. En tant qu’auteur, François Rimbau considère qu’il n’est pas le meilleur metteur-en-scène ni acteur des pièces qu’il écrit, et qu’une tierce personne aura nécessairement un horizon plus large et développé que celui qu’il a, lui-même, à l’endroit du texte qu’il a écrit ; une réflexion que Fabien Le Mouël partage spontanément, et qui nous explique la légitimité de leur collaboration sur « Fragments de femmes », et la soigneuse attribution des responsabilités de chacun. Fabien Le Mouël considère en effet que, quand on écrit, on n’a pas le recul nécessaire pour mettre en scène ses propres textes, dont on a, nécessairement, une vision étriquée, qui fait généralement qu’on s’auto-censure. La difficulté est de parvenir à rencontrer celui qui a la même sensibilité que soi-même, afin de vivre la collaboration comme un enrichissement mutuel. Du fait qu’ils avaient en commun certaines expériences de vie, à l’issue de l’expérience « Cold Water », c’est François Rimbau qui a proposé à Fabien Le Mouël de monter sa pièce.

Une parole qui tend à l’universel

 

Avec ce nouveau texte, car ce n’est pas le premier qu’il écrit, Fabien Le Mouël entend montrer au Spectateur que, s’il a vécu des choses difficiles, il n’est pas le seul, et que nous pouvons tous le comprendre, qu’il suffit juste d’en parler car, tous, nous pouvons nous retrouver dans chacune des situations abordées par cette pièce, qui tend à l’universel. La parole et le dialogue sont essentiels à l’harmonie, tant de l’individu vis-à-vis de lui-même, que de l’être social avec ses semblables.

François Rimbaud considère que la pièce « Fragments de femmes » est constituée d’une série de portraits, non exhaustive, qui constitueraient comme un seul grand portrait de l’être humain, du fait qu’il est porté par plusieurs voix, faisant résonner sa multiplicité. Les voix sont toutes différentes et toutes pareilles, comme les individus qui composent l’humanité : à la fois semblables et distincts.

Comme le dit encore Fabien Le Mouël, nous sommes tous différents mais nous sommes tous pareils. Il y a une multitude d’expériences de vie ; mais nous traversons tous les mêmes sentiments. Le Spectateur quittera la représentation en se disant qu’il n’est pas le seul à vivre ce qu’il vit, que d’autres ont vécu la même chose que lui et peuvent le comprendre, car nous sommes tous des êtres humains. Fabien Le Mouël veut que chacun se réveille et prenne conscience du caractère universel de nos conditions individuelles, considérant que notre société célèbre beaucoup trop l’individu et l’individualisme : tous les jours, dans le métro, les gens sont fermés sur eux-mêmes et méprisent leurs voisins ; tout comme il lui semble que les relations amoureuses sont devenues parfaitement détachées, désincarnées, désabusées, voire : cyniques car, il y a quelques années, il suffisait de sortir dans un bar, d’échanger un sourire et l’histoire d’un amour pouvait naître. Nous avons tous une pierre à apporter ; mais, aujourd’hui, nous oublions l’évidence : encore faut-il que chacun l’apporte. Quittant la représentation, le Spectateur se dira : « Je me suis reconnu. J’ai été ému. » « Réveillons-nous ! » nous dit François Rimbau !

À cette fin, nous ne manquerons pas d’être aux premières loges du Théâtre de la Jonquière, au soir du mercredi vingt-sept septembre, afin de voir l’Avant-Première de ce spectacle engageant puis, de nouveau, au Théâtre de la Huchette (Direction Franck Desmedt et Gonzague Phelip), le lundi neuf octobre. Ouvrons nos yeux et nos oreilles, car le théâtre nous rappelle à la vie !

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