Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Émotions garanties !
Après l’immense succès de La Dégustation, Ivan Calbérac s’est intéressé à la personnalité et à la vie fascinante du grand pianiste Glenn Gould.
Disparu en 1982, Glenn Gould reste encore aujourd’hui une figure incontournable du monde musical, grâce à sa personnalité unique et à son interprétation exceptionnelle des œuvres de Bach, Berg ou Webern.
La mise en scène de cette pièce a été réalisée par Juliette Azzopardi et Jean-Benoît Thibaud. Glenn, Naissance d’un prodige a été nommé six fois aux Molières 2023, et a remporté deux Molières : Révélation féminine pour Lison Pennec et Révélation masculine pour Thomas Gendronneau.
Nous aurons le plaisir de retrouver Glenn, Naissance d’un prodige sur la scène du théâtre Montparnasse ces prochains mois. Ivan Calbérac nous plonge dans les grandes étapes de la vie de Glenn Gould : de l’enfance à l’âge adulte, toujours sous l’œil omniprésent de sa mère.
Glenn n’est pas un enfant ordinaire. Doté de l’oreille absolue, il est capable dès son plus jeune âge de reconnaître chaque note d’une partition. Sa mère, qui a 40 ans à sa naissance, rêve pour son fils d’un destin qu’elle n’a jamais pu réaliser elle-même. Glenn s’avère très doué, et sa mère le fait travailler sans répit, au détriment d’une vie sociale normale.
Raphaëline Goupilleau incarne à merveille le personnage de cette mère possessive, ultra-protectrice, qui dirige la vie de son fils, le seul et grand amour de sa vie. Julien Rochefort interprète le rôle du père, un mari effacé, qui accepte tous les caprices de sa femme, y compris de la laisser dormir avec Glenn même quand il atteint la puberté.
La pièce d’Ivan Calbérac est pleine d’humour ; les réparties de la mère de Glenn sont incroyables. La naïveté et l’embarras de ce jeune homme face à l’amour et aux relations avec le sexe opposé nous font beaucoup rire. Par exemple, l’apprentissage du baiser devient pour ce prodige un exercice de haute voltige.
Cependant, derrière l’humour se cache une vie dramatique. L’auteur met en lumière la personnalité atypique de Glenn : Asperger, il n’a jamais vraiment coupé le cordon ombilical. C’est une personnalité hors du commun, excentrique, avec de nombreuses manies et tocs. Toujours vêtu de plusieurs couches de vêtements, il exige de chauffer excessivement les salles de concert, transporte toujours la même chaise pour jouer, porte des gants par peur des microbes.
Le plus incroyable est le chantonnement de Glenn pendant ses enregistrements. Durant plus de 12 ans, son impresario a toléré toutes ses excentricités, croyant fermement en son génie, et il a eu raison : le succès de Glenn fut immense en Amérique et en Europe.
Malgré cela, Glenn Gould refuse de franchir l’Atlantique, jouant uniquement au Canada et aux États-Unis, bien que Paris et Londres le réclament. Tout au long de la pièce, la musique est omniprésente. Glenn interprète les Variations Goldbergde J.S. Bach à sa manière, réinventant Bach et bousculant certains puristes.
À 32 ans, il décide d’arrêter les concerts. Fatigué de jouer en public, il se retire pour se consacrer exclusivement aux enregistrements en studio. Les dernières 18 années de sa vie sont ainsi dédiées aux enregistrements, aux émissions de radio et à l’écriture. Deux versions de ses enregistrements des Variations Goldberg — en 1955 et en 1982, l’année de sa mort — montrent combien il réinvente constamment la musique.
Glenn, Naissance d’un prodige explore le paradoxe entre la célébrité de ce pianiste libre dans son art et la solitude de l’homme dont la vie personnelle et affective est quasiment inexistante. Malgré l’amour de sa cousine, Glenn reste un homme profondément solitaire, avec pour seul véritable amour celui qu’il porte à sa mère.
La mise en scène est rythmée, et la vie de cet excentrique génial défile à toute vitesse jusqu’en 1982. Glenn n’a que 50 ans lorsqu’il nous quitte, nous laissant orphelins mais consolés par ses nombreux enregistrements.
Une pièce pleine d’émotion et d’humour, un moment fort de théâtre que le Théâtre Montparnasse.