Artistes :
En alternance : Naidra Ayadi, Camille Chamoux, Camille Cottin, Samantha Markovic, Fatima N’Doye et Océane Rosemarie
A l’affiche :
Jusqu’au 31 mars 2018
Lieu :
Théâtre de l’Oeuvre
55, rue de Clichy
75009 PARIS
Par Ingmar Bergmann pour Carré Or TV
Parler de justice avec justesse.
Ce que la justice devra un jour à la parole
À la façon d’un Raymond Depardon, mais faisant œuvre de dramaturge en s’inspirant de sa propre expérience, l’actrice Samantha Markowic s’est glissée dans les coulisses des tribunaux français pour porter à notre attention, dans le spectacle « Justice » qu’on peut applaudir actuellement au Théâtre de l’Œuvre (direction Benoît Lavigne et François-Xavier Demaison), un ensemble significatif de courtes scènes qui se suivent et ne se ressemblent pas, afin de nous raconter le quotidien ordinaire de la justice, aujourd’hui, en France : sous nos yeux, se succèdent, en effet, des scènes d’audiences, d’interrogatoires et de témoignages authentiques, toutes criant leur vérité à nos oreilles, comme si nous avions été autorisés à nous glisser subrepticement derrière chaque porte, habituellement fermée avec soin, de cette institution que la tradition se plaît à représenter, de façon allégorique, comme une femme tenant une balance et portant un bandeau sur les yeux. La Justice est aveugle ; mais le Spectateur ne le sera pas car, depuis les anciens Grecs, le théâtre est le lieu où l’on regarde, et le thème de la justice a toute sa place sur les tréteaux qui fondent notre démocratie. Justice et Théâtre ne sont-ils pas deux piliers d’une possible harmonie sociale, aspirant à permettre que « l’humanisme » soit beaucoup plus qu’un simple mot ?
La question cruciale de la justice
Dans cette mise-en-scène de Salomé Lelouch, trois comédiennes sont au Plateau et jouent en alternance, interprétant tous les rôles, depuis ceux de prévenu, de victime, d’avocat, de procureur jusqu’à celui de juge. Nous voyons notamment les actrices Camille Chamoux, Camille Cottin et Samantha Markowic elle-même, s’emparer, avec sobriété et sans effets superflus car il nous parle de lui-même, d’un texte un peu frustre mais édifiant car, sans jamais accuser personne, il nous permet d’appréhender au moins une partie de ces situations d’urgence, d’incompréhension et de désarroi dans lesquelles sont, presque toujours, forcés d’évoluer ces individus qui se retrouvent aux prises avec notre système judiciaire, nous invitant, à chaque fois, à nous poser cette question cruciale, en pleine conscience et avec un profit évident : et si c’était nous ?
Pas de justice sans justice sociale
On se passionne pour ces personnages et les situations inextricables dans lesquels ils évoluent, et on s’insurge contre les rouages d’un système qui n’a souvent de « juste » que le nom, et qui est essentiellement une grande machine à préserver l’ordre social, même s’il est certain que, lorsqu’elle intervient, la Justice arrive trop tard pour régler des problèmes qu’elle n’a généralement pas provoqués, et qui trouvent leur source dans des situations bien antérieures à son intervention. Peut-être qu’avant de pouvoir seulement songer à réformer la justice, il faudrait d’abord se demander comment repenser et reposer les bases d’une « justice sociale » réelle, autrement dit : cette justice qui se déroule justement très loin des tribunaux et très loin des procès, et qui évite justement au citoyen d’avoir l’occasion de seulement s’approcher des tribunaux et des procès ?
Ce que ces différents caractères ont en commun, dans notre regard, c’est peut-être une extrême difficulté à mettre des mots sur le réel et le vécu, qu’ils se tiennent en face de la justice aussi bien qu’adossés à elle. Le théâtre est aussi une thérapie pour notre société, car il donne la parole à ceux qui se retrouvent, démunis, aux pieds de la femme aveugle et, ainsi, il nous force à les entendre.
Tour de force que de traiter d’un tel sujet dans une pièce, tour de force également pour les actrices qui passent d’un rôle à l’autre sans aucune transition. A recommander pour le jeu des actrices toutes excellentes. Bravo.
Des dialogues criant de vérité portés par des actrices excellentissimes! On approuve,on sourit,on est dans l’émotion,la recherche de la vérité. Merci à Samantha Markovic ,Camille Chamoux et Camille Cottin. Bravo à Salomé Lelouch pour sa superbe mise en scène.Le décor est bluffant.
Pièce pas évidente à jouer, mettant en lumière les erreurs de la justice institutionnelle… Ou au moins, pour une fois, le rôle de la victime est entendue. Belle entrée en la matière au début de la pièce.