Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Bouleversant !
Après avoir été jouée des centaines de fois au Théâtre Michel, après 4 Molières décernés en 2019, « La Machine de Turing » revient au théâtre du Palais Royal pour notre plus grand plaisir.
Cette pièce de Benoit Solès est aujourd’hui représentée dans de très nombreux pays.
Hommage posthume à Alan Turing, génie mathématicien, que nous pouvons vraiment qualifier de héros de la seconde guerre mondiale et resté quasiment inconnu jusqu’à ces dernières années.
Alan Turing n’est pas un garçons ordinaire, autiste et bègue. Déjà̀ sur les bancs d’école, il est la risée des autres enfants .
Adolescent, puis adulte, il demeure un être totalement excentrique, toujours dans les nuages, fagoté comme un as de pique ! Mais d’une intelligence supérieure à la normale, spécialement dans le domaine des mathématiques.
Sur le plan privé, Alan a un penchant pour la gent masculine. Son premier amour remonte au lycée : Christopher. Malheureusement, ce dernier décède alors qu’il n’est qu’ adolescent.
Le souvenir de ce premier amour demeure à jamais gravé dans son cœur. En mémoire, sa machine porte le nom de : Christopher !
Chercheur, universitaire, il est repèré en 1942 par le gouvernement britannique et plus particulièrement par les services secrets pour rechercher les cryptographies de la machine nazie « Enigma ».
En décryptant le code allemand, Winston Churchill lui même déclarait que les alliés pourraient gagner plus rapidement la guerre et sauver des vies. Mais cette opération doit demeurée absolument secrète.
Après des mois d’efforts, Alan réussit enfin à percer le code secret des nazis.
Le rôle d’Alan Turing est tenu par Benoit Soles et en alternance par Matyas Simon aussi remarquables l’un que l’autre, car le personnage d’Alan exige un gestuel particulier et un mode d’expression difficile en raison du bégaiement et ceci durant 1heure 30 .
Le second comédien sur scène : Amaury de Crayencourt ou Jules Dousset interprètent les 3 autres personnages ce qui est en soi déjà̀ un tour de force, car la pièce est très rythmée.
Ce duo de comédiens possède un jeu théâtral tout à fait exceptionnel et reçoit chaque soir un accueil chaleureux et ému du public !
Bravo également à Tristan Petitgirard pour sa mise scène.
Les vidéos projetant de multiples rouages mécaniques nous plongent dans un monde souvent inconnu pour le commun des mortels : le monde des sciences, des maths…
Cette pièce dégage une très grande émotion et pose la question de la normalité́.
Alan Turing souffre semble-t-il du syndrome d’Asperger. Son QI est de toute évidence supérieur à la moyenne surtout dans le domaine des maths, mais son héroïne demeure à jamais : Blanche Neige ! Son apparence physique ne répond pas également à la norme !
Et pour couronner le tout, Alan Turing est homosexuel !!!
Difficile avec tous ces handicaps, de vivre une vie sereine, surtout lorsque vous devez vivre avec ce perpétuel secret. Son génie au service des pays alliés durant la seconde guerre mondiale, a mis de longues années avant d’être reconnu.
Cette pièce a donc avant tout, une dimension pédagogique, elle est aussi un hommage et une reconnaissance éternelle.
« La Machine de Turing » dénonce également la société́ moralisatrice des années 50 durant lesquelles, l’homosexualité́ est un crime.
En raison de son choix sexuel réprimé́ par la Loi de 1885 en Angleterre, Alan Turing fut condamné pour « attentat à la pudeur » et subit la castration chimique !
Telle fut la sentence infligée à un génie qui a participé́ à déjouer la stratégie de guerre allemande !
60 ans après Oscar Wilde condamné pour les mêmes motifs à 2 ans d’emprisonnement.
Alan Turing se suicide en Juin 1954, n’ayant pas trouvé́ sa place dans ce monde impitoyable.
Aujourd’hui à l’ère de l’intelligence artificielle, cette pièce prend une résonance encore plus grande.
Est-ce qu’une machine peut penser ? Turing le présageait. Il a été le père du numérique. Il est donc le père de chacun d’entre nous ! La force de l’esprit l’a enfin remporté.
« La Machine de Turing » est et demeurera une grande pièce classique incontournable.