Artistes :
Bruno Abraham-Kremer
A l’affiche :
Jusqu’au 21 octobre 2018
Lieu :
Théâtre le Lucernaire
53, rue Notre Dame des Champs
75006 PARIS
Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Une excellente interprétation !
Fin 1980 Romain Gary décide de nous quitter. L’année précédente, il fait éditer son dernier roman sous le pseudonyme d’Emile Ajar : »L’angoisse du roi Salomon ».
Il crée le personnage de Salomon, octogénaire fortuné, refusant l’idée même de la fin de vie ! Ancien roi du prêt à porter dans le pantalon, Salomon Rubinstein prend grand soin de sa personne et de son apparence. Il défie la mort.
»La vie devant soi » en quelque sorte !!!
Il consulte une voyante pour connaître son avenir, lit les annonces de sites de rencontre des années 1970, avec une préférence pour les très jeunes femmes.
Quelle importance l’âge ! Il veut fêter son quatre vingt cinquième anniversaire chez les »putes », rue St Denis.
L’angoisse du roi Salomon c’est avant tout une histoire d’amour et d’amitié.
L’amour de sa vie: Cora, chanteuse réaliste de vingt ans sa cadette. En 1940, la chasse aux juifs bat son plein. Salomon Rubinstein obtient un visa pour le Portugal. Mais Cora refuse de partir. Elle vient de tomber follement amoureuse de Maurice, tenancier de bar et membre de la Gestapo.
Maurice est fusillé à la Libération. Salomon se cache durant quatre ans dans une cave des Champs Elysées, attendant en vain une visite de Cora ! Cette dernière considère que Salomon est un ingrat.
Elle ne l’a jamais dénoncé et pourtant c’était facile pour elle !! » Je n’avais qu’un mot à dire » Maurice était spécialisé dans la chasse aux juifs ! » Salomon me doit la vie » De son côté Salomon lui évite le pire à la fin de la guerre . Mais la rancune est tenace.
L’amitié avec Jean, titi parisien, qui s’est fait tout seul ! Vingt-cinq ans, aux accents de Pigalle. Alors aujourd’hui, il se passionne pour les dictionnaires, tous les dictionnaires, pour apprendre de nouveaux mots.
Avec sa gouaille, son faciès de voyo, Jeannot est un brave garçon. Bricoleur à ses heures, il possède une part dans un taxi avec des copains, mais il reste à rembourser la licence.
Salomon monte dans le taxi de Jeannot et leur vie à tous deux va en être transformée.
Salomon achète la licence de taxi, en échange Jean livre des cadeaux à ceux qui téléphonent à SOS Amitié. Faute de locaux, il a recueilli l’association dans son appartement du Boulevard Haussmann.
Malgré son allure de mauvais garçon, Salomon a de suite senti que Jeannot a une âme de bénévole. Humanitaire à la retraite, Salomon Rubinstein, le Roi du prêt à porter, calme ainsi les angoisses des gens seuls et des déprimés …
Malgré sa fortune, il n’a pas de famille et est seul au monde. Comme tous les juifs, l’humour est sa seconde nature »Parmi les six millions de juifs exterminés sous les allemands, même mes parents n’ont pas été tués »!!!!!!
Trente cinq ans ont passé, pourtant Salomon n’oublie pas Cora.
Jean dit de lui : Monsieur Salomon était ce qu’on appelle mal éteint, chez les volcans.
Il était volcanique à l’intérieur, il bouillonnait et fulminait avec passion/
Le roi Salomon force le respect, Jeannot lui voue une véritable admiration, Salomon est lui aussi attendri par ce voyou au grand cœur.
Salomon cite Ronsard, Victor Hugo. Jean boit ses paroles »Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens Mais dans l’oeil des vieillards on voit de la lumière ».
Bruno Abraham-Kremer est un conteur hors pair. Seul en scène durant une heure trente, il réalise une véritable prouesse. Il tient le public en haleine sans aucun temps mort. En un quart de seconde, il entre dans la peau des nombreux personnages du roman. Ce comédien, également metteur en scène avec Corine Juresco a écrit un livre au titre évocateur : »J’ai terriblement envie de vivre ». Il a également joué : « La vie est une géniale improvisation ». Nous comprenons sa passion pour la vie. Quelle énergie et quel talent ! Nous retrouvons des intonations de Gabin, de Carmet, Bruno Abraham – Kremer nous bluffe littéralement !
La mise en scène, très astucieuse et nous conduit sur les trottoirs de Paris avec ce décor en labyrinthe parfaitement maîtrisé par Bruno Abraham –Kremer. Les airs de Mistinguette, Fréhel et Piaf donnent l’atmosphère des années d’avant guerre au temps où Salomon et Cora étaient encore jeunes.
Ce dernier roman de Romain Gary est une véritable pépite, nous aimerions que cela ne finisse jamais. Laissons au Roi Salomon le mot de la fin :
« Je n’ai pas échappé à l’holocauste pour rien mes petits amis, j’ai l’intention de vivre vieux, qu’on se le tienne pour dit. »
Quelle performance que celle de Bruno Abraham Kremer : Un artiste magnifique dont l’interprétation nous transporte. De Cora au concierge, il parvient à nous faire imaginer tous ces personnages hauts en couleurs. De l »humour et de l’émotion… suspendues à ses lèvres, nous avons adoré le suivre dans ce Paris populaire.
J’avais déjà vu Bruno Abraham-Kremmer sur scène et il s’agissait d’un des plus grands moments de théâtre qu’il m’ait été donné de voir. Il en est de même cette fois-ci. Un tres beau spectacle avec un texte remarquable et un acteur grandiose !
Pendant 1h et demie l’acteur vous transporte dans un film plein d’humour, et de tendresse , incarnant avec BRIO, tous les personnages hauts en couleur ! On vit littéralement leur histoire et quand la lumière s’éteint, comme des enfants, on aimerait que ca continue !! BRAVO à l’acteur dont la voix faisait penser à Pierre Brasseur !