A l’affiche :
Jusqu’au 29 avril 2018
Lieu :
Théâtre le Lucernaire
53, rue Notre Dame des Champs
75006 PARIS
Par Ingmar Bergmann pour Carré Or TV
Pour en finir avec l’âge de raison.
Laura Domenge commence le théâtre à l’âge de dix ans dans la compagnie « Les Sales Gosses ». Ce qui ne devait être qu’une passade, se confirme quand elle intègre l’école de théâtre Charles Dullin, puis le Conservatoire du Cinquième Arrondissement de Paris, qu’elle monte « Les Strapantins », sa première troupe de théâtre, et qu’elle écrit, met en scène et joue ses propres spectacles. Encouragée par Christian Lucas, son complice et co-auteur, et mue par son goût pour le défit, cette passionnée de la Scène se lance dans le seul-en-scène en 2013.
La cage dorée
dans laquelle on se complaît.
Au Théâtre du Lucernaire, dans son spectacle « Passages », Laura Domenge qui n’est vraiment pas sage du tout, nous parle de la femme jeune ou moins jeune, avec des références et en convoquant notamment d’illustres aînées, qui nous ouvrent la voie car, pour ceux qui l’auraient oublié : « on ne naît pas femme, on le devient ». Laura Domenge nous parle de l’injonction sociale, presque totalitaire, qui impose à la femme d’être une femme, de même qu’à l’homme d’être un homme, critiquant et moquant, pour les mettre à distance, les préjugés de notre siècle, notamment sur le sexe, nous rappelant, par exemple, que « le beau sexe » n’est pas toujours « beau » mais qu’une telle expression, bien qu’elle nous paraisse inoffensive du fait qu’elle n’a pas cessé de nous faire sourire en dépit de sa désuétude, continue de nous révéler, encore et encore, les barreaux qu’on entretient toujours pour circonscrire et maîtriser (mépriser ?) une partie de l’humanité, car la mansuétude des uns à l’égard des autres, est un autre nom pour « domination ». Laura Domenge nous parle de la maternité comme étant l’injonction ultime qui, seule, prouverait qu’une femme est accomplie, parce qu’elle a été capable de surmonter et domestiquer toutes ses autres aspirations afin de les sacrifier sur cet autel, dépassant son propre désir et le désir qu’elle a d’abord été capable d’inspirer à un homme car, à notre époque, seul l’être qui est en mesure d’éveiller la convoitise d’autrui, de préférence quand il est de l’autre sexe, semble mériter nos louanges, pour peu qu’il se désintéresse, ensuite et le plus rapidement possible, de cette victoire.
Laura Domenge est comme beaucoup de ses contemporains du même âge : avoisinant les trente ans, elle constate qu’elle n’est ni mariée, ni mère, ni détentrice du permis de conduire, au contraire de ce que la petite fille qu’elle était il y a bientôt vingt ans, était persuadée qu’elle tiendrait déjà pour acquis aujourd’hui, comme si l’inclination humaine y conduisait nécessairement, pour peu que l’individu consente seulement à se conformer aux rêves qu’on nous vend, et c’est ainsi que chacun devient un papillon dans une belle cage dorée, à laquelle il s’attache, avant même d’avoir compris que, tout étincelants qu’ils soient, les barreaux seront toujours des barreaux, et ne serviront jamais qu’à nous contraindre, hier, aujourd’hui et demain.
Réussir sa vie ou ne pas réussir sa vie : telle est la question qu’on se pose toujours, aujourd’hui, nécessairement égocentrique et vouée à ne jamais connaître de réponse satisfaisante, quelle que soit la somme de nos efforts, car il est toujours possible de faire mieux, et c’est ainsi que les états d’âme qui grandissaient, autrefois, les personnages de William Shakespeare ne plus font, aujourd’hui, que nous isoler du monde qui nous entoure, augmenter encore notre solitude, notre échec éventuel et leur emprise sur nous. Le couple qui advient ou qui n’advient pas, est encore l’une de ces entreprises dans lesquelles il importe fondamentalement d’exceller, et les déçus du couple se ramassent à la pelle. Comment réussir sa vie sans être en couple, sans être mère, sans avoir le permis de conduire ?
« Quand je serai grande, je serai une princesse. »
Laura Domenge met le doigt sur nombre de nos angoisses existentielles, ou réputées telles, à la manière d’un analyste dévoilant, notamment, l’un des très nombreux mensonges qu’on fait aux petites filles et aux petits garçons, sans doute afin de mieux les endormir, en les encourageant à s’exprimer et se projeter comme suit : « quand je serai grand(e), je serai marié(e), j’aurai des enfants » et ainsi de suite, comme s’il n’y avait d’autre alternative enviable ou, seulement : envisageable et, surtout : comme si nos existences individuelles s’y prêtaient nécessairement toujours.
Pour nous, Laura Domenge convoque les figures improbables de l’ouvreuse de théâtre délurée, de l’analyste, de la mère de famille débordée, de l’ancienne copine de fac, de la tante niçoise divorcée, de la vieille voisine, du professeur de yoga, de celles ou ceux auxquels on nous compare sans cesse, de Gigi la chanteuse-danseuse, de Simone Weil, de Simone de Beauvoir et, bientôt, de la « faiseuse d’anges » d’autrefois : on en voudrait encore !
Le fantasme de « l’effet papillon ».
La galerie des portraits que nous offre Laura Domenge, ne nous laisse pas indifférents : elle est plaisante à parcourir et extrêmement prometteuse, si bien qu’on en voudrait plus, afin de pouvoir explorer, encore et encore, avec elle, la relation particulière qu’il y a entre les « mots » et les « maux », entre « l’humour » et le « non-humour », pour pouvoir faire l’inventaire des maladies de notre siècle et des mille-et-une façons discutables et hautement perfectibles dont on aspire à s’en soigner, avec plus ou moins d’expertise ou, seulement, d’habileté telles que, notamment, l’analyse, le yoga, les voyages, les rencontres ou, encore, la « consommation » sexuelle (ou ce que nous appelons ainsi), car nous nous débattons tous, avec plus ou moins de succès, dans des problématiques qui nous paraissent insolubles, à torts et à raisons, nous confrontant à nos démons, qu’il s’agisse de faire, de défaire ou de refaire sa vie, qu’il s’agisse du sentiment de notre imposture ou de celle que l’on prête aux autres, qu’il s’agisse des cases qu’on prétend nous imposer et que nous ne parvenons généralement pas à investir sans douleur, qu’il s’agisse des bateaux en lesquels on nous mène ou, encore, qu’il s’agisse des cages dans lesquelles on enferme le papillon qui est en nous et qui voudrait désespérément redevenir chenille quant, paradoxalement, la chenille qui est en nous, ne parvient pas non plus à devenir le papillon que l’on voudrait être ; les comparaisons avec la réussite des autres révélant, brillamment et pour finir, les aspirations, toujours plus dérisoires et pathétiques, de chacun d’entre nous, ce qui nous amuse et nous rend plus sages.
Ce spectacle plait autant aux femmes qu’aux hommes ! Nous avons ri du début à la fin , je recommande sans hésiter !
Une excellente soirée one Woman show avec des amis Beaucoup de rythme d’humour de jeux de scène On a beaucoup rit 😂
Laura est vraiment déjantée. J’ai passé un super moment. Je vous conseille d’y aller ??