Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Justesse et humour
Leurs chemins se sont croisés alors qu’ils n’avaient que 20 ans. Peu de choses en commun à vrai dire ni sur le plan intellectuel, ni sur le plan social. Ils vivront pourtant une véritable histoire d’amour, mariés chacun de leur côté. Josiane Pinson a adapté́ pour le théâtre, le roman de Benoite Groult.
Elle fait un clin d’œil au titre du bouquin : « Les vaisseaux du cœur », en intitulant sa pièce : « Marée Haute ».
Benoite Groult l’autrice est bien sûr connue pour être une féministe authentique, une femme résolument libre.
Josiane Pinson est non seulement l’adaptatrice des Vaisseaux du Cœur mais l’interprète de « Marée haute » et seule en scène comme à son habitude.
On se souvient tous de la trilogie « Psy cause » ou « Lui » joués dans ce même théâtre du Lucernaire ces dernières années.
Durant 80 minutes, en toute simplicité́ et avec cette belle voix grave que l’on lui connait, cette merveilleuse comédienne nous raconte de manière « franco », l’amour sensuel, passionné, partagé avec celui qu’elle surnomme Gauvain.
Une passion charnelle qui au fil du temps devient une vraie histoire d’amour. Lui est marin pêcheur, breton. Un homme simple de son âge, dont la vie s’annonce toute tracée : Mariage, enfants et pêche.
Le destin en a décidé́ autrement !
ELLE, interprétée par Josiane Pinson est une bourgeoise, intellectuelle, évoluant dans un autre microcosme que celui de Lozerec qu’elle rebaptise : Gauvain. Sa mère, inconditionnelle de George Sand a voulu qu’elle se prénomme ; George ! Certains prétendent que le hasard n’existe pas.
L’histoire racontée dans « Marée haute » en est la parfaite illustration.
Dès leur première rencontre, au premier regard, alors que Gauvain est déjà̀ fiancé et qu’elle même flirtent avec les copains de son milieu bobo, ces deux là se sentent irrémédiablement attirés l’un envers l’autre avec un élan vital venant du plus profond de leurs entrailles et qui les pousse à s’aimer et à s’abandonner totalement.
Sans détour ou la moindre fioriture, Josiane Pinson avoue sans vulgarité́ aucune son attirance sexuelle pour Gauvain. Plus rien n’existe pour elle lorsqu’elle est blottie dans les bras de son marin breton « qui n’a pas cependant un cerveau de bulot ! »
Panchika Velez a réalisé́ la mise en scène et si Gauvain n’est pas visible sur scène, sa voix un peu éraillée est présente tout au long de ce récit. Les accents de cette voix masculine nous laisse imaginer un homme simple, surpris lui même de vivre une telle passion, qui malgré́ les années ne s’éteint pas.
L’honnêteté́ transpire dans ses propos et témoigne d’un profond respect pour sa maîtresse.
Oui, il est marié, père de famille et doit à se titre continuer son métier de marin pêcheur, pourtant son cœur n’appartient qu’à George. Il lui répète sans cesse d’écrire leur histoire.
Au cours des nombreuses décennies de leurs existences, leurs rencontres ne sont finalement pas fréquentes, plusieurs années peuvent s’écouler entre 2 nuits d’amour et pourtant leur attirance physique l’un pour l’autre demeure parfaitement intacte.
« Marée Haute », c’est ce déferlement d’amour charnel partagé dans tous les ports du monde et qui revient à la manière du rythme des marées.
Les années passent, les marées continuent elles aussi d’envahir le corps et le cœur de George et de Gauvain.
« Marée haute » a conservé l’écriture féministe audacieuse et tellement vraie de Benoite Groult. Rester une femme libre, et se réveiller chaque matin à coté́ de Gauvain aurait sans doute altéré́ leur passion.
Il y a sans doute un message subliminal sur l’absence, l’attente et la passion. Bel instant de psychologie amoureuse et du désir charnel. Cette histoire de peau à l’origine devient au fil du temps une histoire d’amour. Aucune indécence, les mots choisis pour décrire la sensualité́, l’érotisme, la sexualité́ sont toujours justes car vraies.
Très belle interprétation de Josiane Pinson qui une fois encore nous fait rire et nous émeut aussi. Merci au Lucernaire pour ce bon moment de théâtre.