Artiste :
Christiane Corthay
A l’affiche :
Jusqu’au 13 janvier 2019
Lieu :
Manufacture des Abbesses
7, rue Véron
75018 PARIS
Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Epatant !
La veille de ses 95 ans, Liliane Bettencourt s’éteignait dans sa propriété de Neuilly sur Seine.
Bernard Besserglik ancien journaliste de l’agence France Presse nous livre une pièce de théâtre sous la forme d’un entretien entre la deuxième fortune de France et un interlocuteur non présent sur scène. L’auteur s’est peut être inspiré de l’entretien donné par Liliane Bettencourt au Journal du Dimanche alors que la presse se déchaînait sur l’Affaire Bettencourt ! Cette dernière déclarait alors :
« Je suis libre et en pleine possession de mes facultés intellectuelles. »
Durant une heure dix, Christiane Corthay, comédienne de talent répond aux interrogations que nous nous sommes tous posés à son sujet, lorsque sa fille unique Françoise Bettencourt-Meyers a déposé plainte contre François Marie Banier pour « abus de faiblesse » envers sa mère propriétaire du groupe l’Oréal.
Durant le 1er acte, la comédienne porte une écharpe bleue. Elle tente d’expliquer le plus simplement du monde sa relation amicale avec François Marie Banier. Un homme plein de charme, intelligent, insolent et tellement drôle. Avec lui, elle découvre le monde des artistes.
Ecrivain, dessinateur, peintre et photographe de talent, il a su la séduire et la distraire. D’ailleurs, avoue t-elle : que son mari l’appréciait et oublie volontairement ou non qu’il n’était pas au courant de ses largesses. Quel contraste entre André Bettencourt et ce « golden boy of Paris » !!!
Un quart de siècle les sépare, pourtant des liens d’amitié très forts les unissent. Avec François Marie, elle vit vraiment et pour la première fois de son existence !
Cette figure du tout Paris, membre de la jet set internationale est un ami, un ami très cher dans tous les sens du terme !!!
Amitié amoureuse et financière. Elle paie le bonheur, la joie qui lui apporte ! Mais lorsque l’on est la femme la plus riche du monde, l’argent n’a pas la même valeur que pour le commun des mortels.
Liliane Bettencourt se défend d’avoir eu avec ce dernier d’autres relations qu’amicales car il est de notoriété publique que François-Marie est homosexuel et partage sa vie avec un autre homme. Cette octogénaire milliardaire s’exprime avec une grande sincérité et ne comprend pas que sa fille et la France soient scandalisées par ses libéralités.
Elle crie haut et fort d’être une femme riche et libre : « Parce que je le veux bien ».
Elle nous livre une véritable plaidoirie pour être reconnue : Responsable mais non coupable ! Marié à André Bettencourt pour faire plaisir à son père, cette union ne l’a pas rendue heureuse et elle ne semble pas avoir des liens affectifs très forts avec sa fille et ses petits enfants. Bref, une vieille dame riche, seule et triste.
821 000 millions d’euros de cadeaux, sans compter les contrats d’assurances vie renoncés par François-Marie Banier à l’issue d’une négociation avec la fille de la patronne de l’Oréal. L’image de ce fidèle ami, tellement spirituel n’en sort pas grandie, malgré la sincérité et naiveté de son amie.
Au second acte, Christiane Corthay porte une écharpe blanche. Elle évoque alors sa famille. Sa mère est décédée à l’âge de 5 ans. Son père pour qui elle a une véritable vénération. Son mariage avec André Bettencourt passionné de politique, la maternité, les réceptions, les mondanités… Bref, l’ennui !!!
Agée, elle demeure toujours aussi admirative devant cette figure paternelle à l’origine de l’Oréal dont le rayonnement est mondial. Fière de son entreprise, fleuron du patrimoine économique français.
Son amour est inconditionnel pour la France. Son refus de vendre le groupe aux Suisses. Son patriotisme s’exprime par les couleurs de son écharpe qui tout naturellement sera rouge pour le 3ème et dernier acte.
Parce que son amour paternel l’empêche d’être impartiale, elle défend l’honneur de ce dernier, le soutient avec férocité, tente de réhabiliter l’image d’Eugène Schueller pendant la seconde guerre mondiale, son implication dans la cagoule. Elle refuse que ce dernier soit qualifié d’ anti sémite.
Elle même, ne l’est pas, n’a t-elle pas accepter le mariage de sa fille avec Mr Meyers, juif ? Sa fille, unique enfant qui ne lui ressemble en rien.
Le temps passe, c’est une femme fatiguée, usée que nous laissons à l’issue de ce long interview. La violence des procès avec sa propre fille, les expertises neuro-psy auxquelles elle s’est opposée farouchement, puis finalement céder. La trahison de certains proches dont son personnel de maison, la presse qui se déchaîne sans répit. Les scandales politico-financiers car bien sûr, tous les présidents droite et gauche, ont fait la cour aux Bettencourts.
2010 Liliane Bettencourt doit baisser la garde, se soumettre, accepter sa mise sous tutelle, se réconcilier avec sa fille. Renoncer à son ami François-Marie… et attendre l’ultime étape !
Christiane Corthay bouleversante de sincérité, incarne cette nonagénaire avec beaucoup d’ élégance. Tout au long de ce monologue, son ton est courtois, sobre. Le jeu d’interprétation est toute en délicatesse, en émotion, donnant à Liliane Bettencourt une fragilité et nous nous surprenons à avoir de la compassion pour cette vieille dame. Bel instant de théâtre à la Manufacture des Abbesses.
Le choix de ce spectacle s’est fait un peu au hasard. Le théâtre, la pièce, le jour …étaient des choix sans en être réellement. Le résultat fut très agréable en ce que la pièce, l’actrice et la soirée se sont révélées un bon ensemble. Nous avons senti la tension de la salle soutenant l’actrice et la pièce dans les petits moments de faiblesse. C’est une expérience attachante qui nous amène a conseiller ces rencontres qui portent plus vers l’humanité en jeu que l’art en mouvement. La construction de la performance est classique mais met en avant des plans arrière qui éclairent une vie particulière avec originalité.
Que cette dame,la plus riche du monde, est en même temps tellement fragile, malicieuse,à gifler troublante et troublée devant les questions cruelles et parfois perfides d’un psy, d’un flic ou d’un confesseur. Admirable interprétation et mise en scène exemplaire de justesse. A voir absolument