Artistes :
Florence Pernel, Béatrice Agenin, Guilaine Londez, Samuel Glaumé, Emmanuelle Bougerol, Cédric Revollon ou Gaétan Borg
A l’affiche :
Jusqu’au 16 novembre 2019
Lieu :
Théâtre la Bruyère
5, rue la Bruyère
75009 PARIS
Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Pétillant et touchant !
D‘après le roman d’Irène Némirovsky… Romancière prolifique du début du 20ème siècle, morte à Auschwitz en 1942. Irène Némirovsky est quasiment tombée dans l’oubli jusqu’au Prix Renaudot décerné à titre posthume en 2004 pour « Suite Française ».
Roman malheureusement inachevé par l’auteur, a été adapté avec succès au cinéma en 2014, puis aujourd’hui au théâtre.
Cette dernière adaptation est réalisée par Stéphanie Laporte et Virginie Lemoine qui en assurent également la mise en scène.
Virginie Lemoine réussit à nous faire partager l’atmosphère féminine de cet été 1941 en pleine occupation allemande à Bussy, petit village de Bourgogne.
Le décor : Intérieur d’une maison bourgeoise.
Tous les tableaux et éléments décoratifs ont disparu, encartonnés, cachés, du fait de l’occupation de l’envahisseur.
Seule subsiste, bien en évidence, la photographie de Gaston, fils et mari parti à la guerre !
La tapisserie du fond de scène laisse filtrer une douce lumière, faisant ainsi écran aux sentiments des personnages de ce roman.
Chacun étant retranché dans sa propre souffrance.
Amour et haine, cohabitent dans cette demeure.
L’honorable Madame Angellier dont le fils est prisonnier en Allemagne, vit avec sa brue, dans une cohabitation forcée.
Contrainte de recevoir sous son toit un officier de la Wehrmacht .
Le choix des comédiens est parfait.
Béatrice Agenin possède ce port de tête altier, magnifique de la duègne.
Vêtue de noir, autoritaire, hautaine, vouant une haine absolue et non dissimulée à l’occupant allemand.
Sa raison de vivre : Son fils unique Gaston à qui elle voue un amour infini, un véritable culte. A vrai dire, elle ne semble avoir de sentiment que pour lui.
Béatrice Agenin joue à merveille cette bourgeoise pingre, méprisante à souhait. L’interprétation de cette ex sociétaire de la comédie française est magistrale.
L’auteur : Irène Némirovsky a sans doute pensé à sa propre mère qui ne l’a jamais aimée, en créant ce personnage Femme sévère, orgueilleuse, sans aucune chaleur humaine. Ce thème de l’amour maternel et de la place de l’argent dans notre société, fait partie des thèmes revenant comme des leitmotivs dans la plupart de ses romans.
Florence Perne, actrice de cinéma et de séries télévisées, revient régulièrement sur les planches, pour notre plus grand plaisir.
Elle campe le rôle de Lucile, belle fille de Madame Angellier, ravissante jeune femme, mariée à un homme dont elle n’est pas amoureuse et qui a toujours été infidèle !
Lucile est en quelque sorte prisonnière dans la demeure de sa belle mère.
Guilaine Londez a un palmarès cinématographique et télévisuel incroyable.
Elle prête son talent, sa bonne humeur à « Suite Française ».
Epouse du maire, aristocrate, dame patronnesse, est un aficionado du Maréchal Pétain ! Très drôle, elle apporte sa joie de vivre et sa gaîté communicative par son parler du sud ouest et son joli brin de voix qui enchantent le public.
Emmanuelle Bougerol couronnée en 2005 du « Molière de la révélation théâtrale » pour la pièce « Les Muses Orphelines », actrice accomplie avec un sens aigu du comique.
Nous la retrouvons toujours avec bonheur au théâtre ou au cinéma « Bonne à tout faire » au service de ces dames, elle est criante de vérité.
Authentique à souhait, une vraie fille du terroir. Grâce à sa bonhommie, elle allège l’atmosphère pesante de cette demeure.
L’officier allemand est joué par Samuel Glaumé, très grand, blond, représentant le type même de l’aryen.
Et pour ne rien gâcher : Très séduisant, jouant du piano à merveille !
Le communiste de service est interprété en alternance par Cédric Revollon et Gaetan Borg.
Toutes ces personnalités diverses et variées de ce petit village français nous donne une vision de l’ambiance sous l’occupation allemande.
La résistance entre Français, la haine du boche …
Les Français ont faim et souffrent des restrictions alimentaires, alors que les officiers de la Wehrmacht ne manquent de rien et le comble de l’humiliation : Accueillir sous son toit l’envahisseur qui sait se montrer respectueux et tout à fait bien élevé !
Les réactions des uns et des autres face à l’occupant, varient en fonction de leur ressenti personnel.
Et puis la rencontre d’un homme et d’une femme que tout devrait séparer, tombent amoureux. Lorsque l’officier allemand joue au piano, la musique étreint définitivement Lucile et fait fuir à contrario sa belle mère dans sa chambre.
Indignée par l’attitude de sa brue, coquette et infidèle à son fils prisonnier.
L’officier allemand tente d’expliquer que derrière son uniforme de l’occupant, exécutant les ordres de la Wehrmacht comme tout bon militaire, il y a un homme profondément amoureux. Malgré une attirance certaine, Lucile ne peut vivre pleinement cette relation.
Adapté au théâtre, ce roman d’amour est tout en délicatesse.
Il faut bien entendu se replonger dans l’atmosphère de l’occupation des atrocités de la guerre pour bien appréhender les obstacles de cet amour impossible.
Nous pouvons aussi découvrir le courage des femmes, restées seules dans les villages de France. La mise en scène de Virginie Lemoine ne nous plonge pas dans un mélodrame insoutenable, suffisamment avertie, elle sait ajouter des situations comiques à souhait.
« Suite Française » fait indéniablement partie des bons crus de cette rentrée théâtrale 2019.