Un faune au crépuscule au Studio Hébertot

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Par Marie-Christine pour Carré Or TV

Dans l’ombre de Chateaubriand, Céleste brille enfin !

 

Poète, académicien, ambassadeur, ministre, pair de France… et avant tout : éternel amoureux ! Tels sont les nombreux titres de Monsieur François-René de Chateaubriand, l’un des plus brillants écrivains du XIXe siècle. Mais que savons-nous exactement de celle qui partagea officiellement sa vie ? Céleste de Chateaubriand, née Buisson.

À vrai dire, bien peu de choses ! Céleste est littéralement écrasée par l’ombre gigantesque de son génie de mari. Marc Delaruelle, dans sa pièce « Alma Mahler », avait déjà mis en lumière l’épouse du célèbre compositeur Gustav Mahler, interprétée par l’immense comédienne Geneviève Casile. Une autre pièce de cet auteur, « Marcelle et Marcel », a également connu un vif succès au théâtre. Aujourd’hui, il met sous les projecteurs Céleste de Chateaubriand avec « Un Faune au crépuscule ».

Si l’on en croit les témoins de l’époque, Céleste, âgée de 17 ans au moment de son mariage, était une jeune fille de petite taille, blonde, mince, très pâle, au menton fuyant et à la bouche trop grande. Rien, en apparence, pour séduire et toucher le cœur romantique de François-René. Cependant, elle ne manquait pas d’esprit et pouvait même être drôle. Victor Hugo déclarait qu’ »elle était fort bonne, ce qui ne l’empêchait pas d’être fort méchante ». « Elle avait la bonté officielle et la méchanceté domestique ! »

Le mariage fut arrangé par Lucile, la sœur de François-René, et les autres membres de sa famille, convaincues que Céleste était confortablement dotée. Ce qui se révéla en fait inexact ! François-René, docile, obéit à ses sœurs bien-aimées et se contenta de répliquer : « Faites donc ! »

Avec « Un Faune au crépuscule », l’auteur place Céleste au cœur de l’action. Elle est lasse de ce mari volage, toujours loin d’elle, soit en exil, soit en voyage, soit en mission… Mais avant de quitter ce célèbre époux au cœur d’artichaut, séducteur convaincu de son charme même à un âge avancé, Céleste entend bien dire ses quatre vérités au Grand Chateaubriand, dont elle a toujours refusé de lire la moindre ligne de l’œuvre !

La liste des conquêtes de son mari est longue : Charlotte, Pauline, Natalie, Cordélia, Hortense, Léontine… et bien entendu Juliette Récamier, qu’il visitera avec assiduité jusqu’à la fin de sa vie, quittant chaque jour sa maison de la rue du Bac pour se rendre à l’Abbaye-aux-Bois chez sa fidèle amie.

Céleste, bien sûr, est au courant de nombreuses incartades. Ce soir, elle ose taquiner, puis pousse le bouchon de plus en plus loin, jusqu’à la provocation. L’illustre Chateaubriand trouve cette épouse tellement ennuyeuse, triste, falote, dont l’unique occupation tourne autour de ses associations de charité. Céleste a conscience de faire partie du mobilier, mais ce soir, elle veut tenir tête à François-René.

Certes, elle est restée fidèle au serment du mariage, mais après 36 ans de vie dite commune, la coupe est pleine. Céleste souhaite quitter le domicile conjugal et divorcer. Chateaubriand la trouve aigrie, nerveuse, ennuyeuse à souhait… À la question « M’avez-vous seulement aimée quelques instants ? », l’époux ingrat se montre d’une muflerie sans limite.

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Durant cette soirée, Céleste se moque ouvertement de la crédulité de son mari. Comment peut-il encore croire qu’il plaît à de très jeunes filles ? Si elles aiment lui prendre le bras, c’est parce que Monsieur de Chateaubriand est un homme illustre, ayant un certain pouvoir. Mais ce grand romantique a besoin de cette cour ; elle lui est vitale.

Céleste ne baisse pas la garde ; elle est décidée à repartir dans sa chère Bretagne, à Lorient. Assez d’être bafouée, laissée pour compte ! Ne prend-elle pas des nouvelles de François-René par l’intermédiaire de Juliette Récamier ? Finalement, c’est la seule femme pour laquelle elle finit par avoir de l’estime, car comme elle, Juliette est fidèle à son mari.

Une magnifique interprétation de deux excellents comédiens : Claude Mailhon dans le rôle de Céleste, avec un jeu de scène plein de finesse et d’émotion, et Patrice Ricci, qui donne la réplique et incarne avec brio ce très grand écrivain au crépuscule de sa vie. Cet éternel amoureux, capable de déclarer sa flamme à deux femmes dans la même journée ! La seule à qui il restera, à sa façon, fidèle fut Juliette. Ne lui a-t-il pas dit : « Mon dernier rêve sera pour vous » ?

« Un Faune au crépuscule » est une pièce satirique, où les répliques fusent, souvent cruelles, parfois cocasses, avec un épilogue en forme de comédie. Un excellent moment de théâtre à découvrir au Studio Hébertot.

2 plusieurs commentaires

  1. Vous presentez la piece avec beaucuop de justesse et c’est un moment de theàtre contemporain qu’il ne faut pas rater.
    Les grands hommes font, sur le theàtre » d’excellents sujets de reflexions sur nos cimportements quotidiens

  2. J’ai tout simplement adoré la pièce. Les acteurs (quelle présence sur scène a Claude Maihon!). Le texte : l »ecriture de Marc Delaruelle est superbe,tout en restant de bout en bout allègre, pleine d’humour et légère dans ses références historiques. Bref, un spectacle à ne surtout pas rater.

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