Par Marie-Christine pour Carré Or TV
Brillantissime !
La mort est un sujet auquel nul ne peut échapper. La mort des autres et sa propre mort. Thème demeuré longtemps tabou dans nos sociétés occidentales !
Pour les plus jeunes d’entre nous, ce n’est pas vraiment d’actualité́. Pour leurs parents et grands-parents c’est autre chose !
Alexander Zeldin prend à bras le corps et sans le moindre filtre ces thèmes sociétaux :
Les détériorations physiques et cérébrales engendrées par le temps, quelque soit la classe sociale et le niveau intellectuel générant l’état de dépendance ainsi que les conséquences sur la cellule familiale.
Marguerite, interprétée par l’excellente comédienne : Madame Christine Barrault est une grand-mère âgée et invalide. Ses jambes ne répondent plus, sa vessie non plus ! En revanche elle conserve toute sa tête.
Après un essai infructueux dans un Ehpad, elle est de retour chez sa fille unique : Alice, rôle tenu par la comédienne : Catherine Vinatier. Son vœu le plus cher : Vivre auprès d’Alice et de ses petits-enfants, la famille étant la valeur sûre pour une personne vieillissante et dépendante.
Mais sa fille est mal dans sa peau : noyée par son boulot, ravagée de chagrin par la disparition récente de son mari et incapable de gérer son fils aîné́ en pleine crise d’adolescence.
A 16 ans, Alex a envie de vivre, voir les copains, s’éclater !
Certes, il aime sa grand-mère, mais en même temps tous les stigmates du grand âge lui font horreur au quotidien : Le fauteuil roulant, l’énurésie, les bavoirs… Il a besoin de prendre l’air et de s’échapper du domicile familial.
Alexander Zeldin plante ainsi le décor.
Une famille mono parentale sous tension, majorée par la présence de Marguerite dans cette famille qui éprouve des difficultés à trouver ses repères. Marguerite fait une chute dans l’appartement. Elle vient de signer son entrée à l Ehpad et de manière définitive.
La mise en scène est absolument remarquable, nous dévoilant ses secrets dans la dernière scène. Un immense plateau tournant avec les différents décors conformes à la triste réalité́.
De nombreuses chaises occupées par les spectateurs à proximité́ des comédiens. La conception du théâtre d’Alexander Zeldin : Le public fait partie du spectacle, il ne doit exister aucun fossé avec les comédiens, il est partie prenante.
Comment le nier ? Nous sommes tous concernés par la vieillesse et la mort et de ce fait la salle du théâtre reste éclairée, puis soudain un tableau se termine et nous sommes plongés dans une totale obscurité́.
Un vrombissement extraordinaire nous fracasse les tympans à la limite du supportable et vous pénètre jusqu’au fond de vos entrailles.
Aucun doute, nous passons de vie à trépas! Le grand trou noir ! LA MORT !
Les Tableaux se succèdent, autre décor, salle à manger ou chambre de résident, tout est minutieusement réalisé́ à l’identique. Le mobilier, les animations proposées aux résidents, le gestuel des auxiliaires de vie, nous sommes bien dans une de ces résidences du 4ème âge où l’on vous répète : Qu’il fait bon vivre !
Quant aux pensionnaires, la majorité́ sont de sexe féminin, c’est bien connu !
Certaines vivent dans leur monde, leur esprit a pris la fuite, d’autres plus ancrées, ne survivent que dans l’espoir de la venue de leur famille, c’est le cas de Marguerite.
D’autres plus isolées comme Simone Dupraz, ancienne prostituée, à la voix rauque comme un torrent de pierres estime que sa présence en ces lieux est une grossière erreur « Elle n’a rien à faire avec tous ces malades !’’
On reconnaît dans ce personnage haut en couleurs, l’excellente comédienne : Annie Mercier. Cette dernière nous fait beaucoup rire avec son franc parler, elle détonne parmi les résidents souvent apathiques.
L’auteur met l’accent sur la culpabilité́ des familles qui ont dû placer leur mère ou leur père dans ces Ehpad . Elles exigent la perfection pour le bien être de leur proche et aussi parce que ce type de séjour coute une véritable fortune.
Tous les comédiens : Résidents Ehpad, aide-soignante, auxiliaire de vie sont remarquables et nous font partager leur quotidien avec un réalisme bouleversant.
Nous constatons également que le personnel de ces Ets effectue des tâches souvent très ingrates et sont la plupart du temps réalisées par une population étrangère.
Nous approchons à grand pas de la fin : La Mort
Chaque résident faisant le grand saut, se dirige très lentement vers une chaise ou un fauteuil parmi les spectateurs. Indiquant ainsi que les morts sont toujours proches de nous et continuent à vivre en pensée et dans nos cœur.
Vivants et morts vivent ensemble à jamais.
Après « Beyond Caring » puis « Love » Alexander Zeldin aime traiter de sujets sociétaux sans artifice. Ses pièces sont d’ailleurs souvent interprétées par des amateurs, pour s’approcher toujours plus près de la réalité́.
« Les Fossoyeurs » de Victor Castanet paru récemment, a permis de mettre en lumière certains abus et excès commis à l’encontre de nos ainés, à ceux qui arrivent au bout de cette longue route.
« Une mort dans la famille » est certes très émouvant, dérangeant parfois, car la vieillesse engendre souvent une détérioration du corps et de l’esprit et d’une certaine façon, nous en avons peur.
Alexander Zeldin a su donner à sa pièce beaucoup d’émotion, et aussi beaucoup d’humour.
Les méfaits physiques et intellectuels de la vieillesse sont là, devant nous, l’auteur ne fait aucun voyeurisme, mais ne s’interdit rien.
Un grand moment de vérité́ pour nous tous jeunes ou moins jeunes. Un spectacle qui ne laisse de toute façon personne indiffèrent.